26 10 | 2012

Lettre à Madame la Ministre de la culture concernant les abus de DRM

Written by Tanguy

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Suite à la fermeture arbitraire du compte Amazon d'une lectrice Kindle, qui a entraîné la perte de tous ses livres numérique, et aux divers abus semblables ces dernières années, j'ai envoyé à la Ministre de la culture une proposition qui, inscrite à la loi, devrait permettre de dissuader et d'atténuer ces abus.

Je souhaite rendre cette lettre publique, aussi n'hésitez pas à la reprendre : par souci de simplicité et par conviction, je place ce texte sous licence CC-BY-SA 3.0.

Proposition concernant les abus de systèmes de verrouillage dans la distribution dématérialisée d'œuvres culturelles

Madame la ministre,

La dématérialisation des œuvres de l'esprit représente une aubaine pour la diffusion de la culture, et constitue pour certains une avancée technologique comparable à l'invention de la presse à imprimer par Gutenberg. On constate pourtant une certaine réticence de la part des spectateurs, attachés à la distribution matérielle qui présente par certains aspects des qualités supérieures aux systèmes de distribution dématérialisée.

De nombreuses plate-formes de distribution de contenus dématérialisés utilisent en effet des systèmes de verrouillage qui permettent au distributeur de conserver un contrôle sur l'utilisation de ces contenus après l'acte de vente. Ce contrôle, lorsqu'il est exercé, ne peut s'appliquer qu'au détriment du client, comme le montrent des exemples de plus en plus nombreux :

Ces dérives n'ont pas d'équivalent dans la distribution physique, où elles seraient inimaginables : pour reprendre un livre vendu, un libraire devrait en effet s'introduire par effraction dans le domicile privé de son client pour y commettre un vol. Bien que n'étant pas intrinsèques à la notion de distribution dématérialisée mais simplement inhérentes aux systèmes de verrouillage artificiel choisis par de nombreux acteurs, elles sont souvent vues par les utilisateurs comme des inconvénients rédhibitoires et alimentent à juste titre leurs inquiétudes relatives à la distribution dématérialisée.

Ces problèmes pourraient être évités par une interdiction pure et simple des systèmes de verrouillage numérique, mais cette solution ne semble malheureusement pas réaliste à court terme. C'est pourquoi je vous propose une contrainte qui, inscrite à la loi, pourrait suffire à les éviter, ou tout du moins à les atténuer. Il s'agirait d'imposer à tout fournisseur de contenus dématérialisés de rembourser le prix d'achat des contenus vendus à ses clients, dans tous les cas où, par le fait de son action ou de son inaction, ceux-ci deviendraient inutilisables dans les conditions attendues, intégralement dans le cas où la durée d'indisponibilité est supérieure ou égale à une durée raisonnable1, et en proportion de la durée d'indisponibilité si celle-ci est strictement plus courte que cette durée raisonnable, que cet état de fait soit volontaire ou non et quelle qu'en soit la raison ou la cause, en particulier une décision unilatérale, arbitraire ou motivée, une panne, une injonction légale ou toute autre raison.

Je ne suis pas juriste, et il ne s'agit donc là que d'une proposition informelle, mais je ne doute pas qu'elle puisse être mise en œuvre sous la forme d'un texte de loi applicable. Cette proposition me semble raisonnable, et à la fois bénéfique pour les spectateurs d'œuvres culturelles et sans danger pour les distributeurs tant que ceux-ci ne se livrent pas à des abus au détriment de leurs clients. Il s'agirait en fait, en ce qui concerne les distributeurs, de rendre ceux-ci financièrement responsables des conséquences négatives des usages possibles de leurs systèmes de contrôle des usages, y compris si ces usages sont rendus nécessaires par une décision externe telle qu'une injonction de justice à retirer un contenu, les clients ne devant en aucun cas payer pour les erreurs de leurs fournisseurs.

Étant donné l'enjeu de ces problèmes, je ne doute pas que vous accorderez à ma demande l'attention qu'elle mérite et que vous ne manquerez pas d'y répondre, fût-ce de façon négative, et je me tiens à votre disposition si vous souhaitez discuter plus longuement de cette proposition. Dans un souci de transparence, je vous informe que je rends publique cette demande, et que je publierai de la même façon votre réponse.

Veuillez agréer, Madame la ministre, l'expression de mes salutations respectueuses.


  1. Pour définir cette durée raisonnable, je propose d'utiliser le temps caractéristique associé à l'utilisation initiale privilégiée d'une œuvre, que j'estime à deux semaines pour la plupart des œuvres.

5 comments

friday 26 october 2012 à 23:09 correction said : #1

Il semble qu'Amazone Norvège est ré-ouvert le compte et sans donner d'explications ...
http://www.nrk.no/kultur-og-underholdning/1.8368487

friday 26 october 2012 à 23:10 cor said : #2

Mise à jour du 24.10.2012 :


http://www.actualitte.com/usages/amazon-provoque-une-vague-de-protestation-anti-drm-37681.htm
"Depuis cet accroc norvégien, et possiblement suite aux réactions unanimes des internautes échaudés, il semblerait qu'Amazon ait finalement décidé de rendre à Linn Jordet Nygaard ses accès à sa bibliothèque. Cependant, le staff d'Amazon n'a donné aucune explication supplémentaire à la principale intéressée..."

saturday 27 october 2012 à 00:05 Tanguy said : #3

@correction, @cor : Merci de l'info. Ça ne change pas grand chose, Amazon ont la possibilité de supprimer à distance l'accès aux livres achetés, et ils ont mise cela en œuvre à plusieurs reprise. À vrai dire, qu'ils aient fait machine arrière sous la pression cette fois-ci renforcerait même l'exemple, puisque cela montre à quel point cette action était intolérable.

saturday 27 october 2012 à 09:15 Bruno said : #4

Je ne suis pas sûr qu'une loi, ou une modification de la loi soit complètement nécessaire. Je ne suis pas juriste mais il me semble que dans les exemples que tu cites (sauf peut-être le premier) les entreprises auraient été condamnées si un consommateur français avait porté l'affaire en justice. Le code de la consommation protège les clients contre les pratiques commerciales déloyales et impose aux prestataires de services une obligation de résultats.
Il serait très intéressant de voir comment ce type d’affaire est jugée et surtout comment les sociétés incriminées se défendent. Je suis à peu près sûr qu'elles commenceraient par montrer qu'elles ne vendent pas un bien mais un service, c'est à dire une mise à disposition conditionnée (clauses abusives dans les contrats?) et non la vente d'un fichier (dans le cas du livre ou de la musique par exemple).
Il me semble donc qu'il faudrait réglementer ces contrats en imposants aux prestataires de services que :
- l’acquisition d'un fichier numérique soit ferme et définitive ;
- que les formats de fichiers fournis permettent une lecture sur tout support ;
- que les mesures de protection techniques s'il elles existent n'entravent pas la lecture ni la copie à usage privé.

friday 08 march 2013 à 23:02 annuaire web said : #5

Ils commence à nous les briser avec leurs lois. La responsabilité suffit, on a pas besoin de lois pour savoir vivre en intelligence.

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What is the second letter of the word qzmoh? : 

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