La Bibliothèque nationale de France a lancé un appel au dons pour acquérir un manuscrit historique, le Livre d'heures de Jeanne de France, reconnu Trésor national par le ministère de la Culture. Cet appel au dons est doublement remarquable :
- Il semble s'inscrire dans le mouvement des projets fondés par le don, assez populaires depuis quelques années. Pour citer le président de la BnF : « Nombreux seront ceux qui comprendront la nécessité de garder en France ce trésor national et auront à cœur de nous aider à l'acquérir, quels que soient leurs moyens. »
- La BnF comptant numériser ce document pour le rendre disponible sous licence semi-libre seulement, c'est une bonne occasion pour les inciter à libérer réellement cette œuvre.
Je voudrais revenir sur ce dernier point. La BnF numérique de nombreux ouvrages, et les rend disponibles sur leur bibliothèque numérique Gallica sous des formats divers — généralement PDF, et EPUB pour certains documents textuels « normaux ». Problème, d'après ses conditions d'utilisation la BnF conserve un monopole d'exploitation commerciale sur ces documents numériques, ce qui soulève quelques questions.
Domaine public
Le critère principal d'éligibilité au droit d'auteur est l'originalité de l'œuvre. La numérisation n'est qu'un changement de format, et non un processus créatif permettant à un artiste d'exprimer son originalité. Pas quel artifice juridique la BnF peut-elle donc sortir ces ouvrages du domaine public ?
Le monopole d'exploitation accordé par le droit d'auteur s'étend déjà sur une durée délirante, qui dépasse souvent le siècle. Après une si longue attente, ces documents retournent dans le domaine public. Si la BnF s'arroge à nouveau un monopole d'exploitation sur leurs versions numériques, combien de temps faudra-t-il attendre pour qu'elle retournent à leur tour dans le domaine public ? Combien de siècles après leur publication originale ?
Suggestion
Cet appel aux dons nous place dans une situation intéressante : contrairement aux numérisations habituelles de la BnF, celle-ci sera en partie financée directement par le public. Les donateurs peuvent donc logiquement faire par de leurs questions, donner leur avis, voire tout simplement conditionner leur don à certaines conditions. Si vous le souhaitez, je vous propose donc d'écrire au responsable de cet appel aux dons, pour leur indiquer que vous appréciez cette initiative mais que vous souhaiteriez que l'ouvrage numérisé soit rendu disponible sous une licence réellement libre. Voici quelques suggestions pour cela :
- Même si vous ne comptez pas donner, écrivez, ça ne peut pas faire de mal !
- Pour la licence, les propositions suivantes me semblent pertinentes :
- indication d'appartenance au domaine public,
- CC0,
- CC-BY ou CC-BY-SA,
- information publique,
- licence ouverte Etalab.
- Vous pouvez utilisez les arguments suivants :
- si vous donnez, vous avez un droit de regard légitime, et vous voulez être sûr que votre argent sera utilisé pour le plus grand bien commun ;
- l'ouverture des données c'est bien ;
- le domaine public c'est bien ;
- la BnF est une bibliothèque et non une librairie ;
- demander un financement par le don, puis, une fois le projet financé et réalisé, conserver un monopole commercial, ça évoque des objectifs injustes.
J'ignore si nous réussirons à faire libérer cet ouvrage, j'en doute vu l'orientation assez commerciale de la BnF, mais qui ne tente rien n'a rien !
Édition : appel relayé sur LinuxFr.
1 comment
tuesday 28 august 2012 à 21:08 patrick_g said : #1