Problème théorique de la riposte graduée
Vous vous en souvenez sans doute, la loi Internet et création, qui introduisait une « riposte graduée » à la contrefaçon sur Internet, en instaurant une autorité nationale appelée Hadopi, posait plusieurs problèmes, notamment le reversement de la charge de la preuve. Combinée au recours à une milice privée, Trident Media Guard, pour constater les contrefaçon, cela s'exprime très simplement : inutile d'être coupable pour être condamné.
Mise en pratique : un avertissement erroné
Eh bien, je viens de recevoir mon premier avertissement de l'Hadopi. Et devinez quoi ? Il est erroné, je suis averti et menacé d'une amende de 1.500 euros en cas de récidive d'un acte que je n'ai pas commis. Voici l'avertissement en question, commenté par mes soins.
Madame, Monsieur,
Il a été constaté le mercredi 04 décembre 2013 à 10 heures 48, qu’une ou plusieurs œuvres ont été téléchargées ou partagées depuis votre accès à internet, en violation des droits d’auteur. Ces faits peuvent constituer une infraction pénale.
Alors déjà, le mercredi à onze heures du matin, je suis au travail, et j'ai autre chose à faire que de me connecter chez moi pour y lancer à distance des téléchargements illicites. Mais ce n'est là qu'un faible indice pour suspecter une erreur de leur part, le meilleur reste à venir.
Les faits constatés ont été commis avec le(s) logiciel(s)/protocole(s) eMule, depuis l'adresse IP 78.251.224.134, attribuée à votre connexion par votre fournisseur d’accès à internet Free SAS / ProXad.
Ah, nous y voilà. Ce téléchargement aurait donc été effectué avec eMule, logiciel de partage de fichiers de pair à pair utilisant les protocoles eDonkey et Kad, pour le système d'exploitation Microsoft Windows. Système que je n'utilise pas chez moi, ni au travail d'ailleurs, et dont je ne dispose d'aucune copie. Certes, il n'est pas impossible de faire fonctionner eMule sur le système que j'utilise, Debian, mais c'est là une opération remarquablement inutile, puisqu'il existe déjà des clients eDonkey et Kad fonctionnant nativement sur ce système.
Édition : Ils mentionnent le logiciel ou protocole eMule, cet argument n'a donc pas lieu d'être.
Enfin, ce téléchargement aurait été effectué depuis l'adresse IPv4 78.251.224.134. Problème : ce n'est pas moi, ça. J'ignore qui utilise cette adresse, qui est décrite dans la base de données WHOIS du RIPE NCC comme appartenant à Free qui l'utilise comme « Wifi Address Pool », mais mon adresse IPv4, fixe, que vous pourrez déterminer en résolvant le nom du serveur de ce blog, n'a rien à voir avec celle-ci. Quand au réseau Free Wifi, je crois l'avoir utilisé en tout et pour tout pendant quelques jours avant de recevoir mon modem-routeur Freebox. Depuis, je dispose d'un accès fixe, et j'ai même désactivé toutes les fonctionnalités micro-ondes de ce modem-routeur. Pas de wifi chez moi, et quand je suis en voyage, j'utilise le réseau de mon hôte, pas celui de Free.
Il vous est recommandé de prendre sans délai toutes mesures utiles pour éviter une nouvelle atteinte au droit d’auteur. A cette fin, vous pouvez consulter les fiches pratiques « usage et internet », disponibles sur le site internet de l’Hadopi : www.hadopi.fr/r essources/fiches-pratiques qui vous apporteront notamment des informations pour sécuriser votre ligne. Vous pouvez également vous rapprocher de votre fournisseur d’accès à internet.
« Prendre toutes mesures utiles » pour éviter que quelqu'un d'autre ne récidive avec une connexion à Internet qui n'est pas la mienne, quelque chose me dit que je risque d'avoir du mal à le faire, même en faisant tous les efforts du monde pour sécuriser mon réseau filaire — qui l'est déjà par nature puisqu'il faut s'introduire chez moi pour l'utiliser — et mon réseau micro-ondes — qui n'existe pas et n'a donc pas besoin d'être sécurisé. Superflu, au secours !
Le message formule ensuite une menace d'amende de 1.500 euros en cas de récidive :
Si, malgré les avertissements de l’Hadopi, votre accès à internet était à nouveau utilisé pour des mises en partage ou des téléchargements illégaux, vous pourriez, à l’issue de la procédure suivie devant l’Hadopi, être poursuivi(e) devant le tribunal de police pour contravention de négligence caractérisée. Vous risquez alors une amende d’un montant maximum de 1500 € (article R. 335-5 du code de la propriété intellectuelle). Retrouvez toute information utile sur www.hadopi.fr/acces-au-formulaire-reponse-graduee-jai-recu-un-mail.
Je vous épargne le blabla légaliste qui parsème ce message, ainsi que les explications qui indiquent que le piratage c'est mal et que ça tue des bébés phoques.
Conclusion
Bref, voilà, comme souvent, je suis à la fois satisfait de constater la réalité des problèmes que je dénonçais lors de la mise en place d'un système dangereux, et déçu par le fait que ce système ait été mis en place en dépit des critiques dont la pertinence vient d'être démontrée.
10 comments
friday 03 january 2014 à 14:26 tuxicoman said : #1
friday 03 january 2014 à 14:45 Jérémie said : #2
friday 03 january 2014 à 14:57 Tanguy said : #3
friday 03 january 2014 à 18:28 Majoux said : #4
friday 03 january 2014 à 20:57 Mirlipili said : #5
friday 03 january 2014 à 21:29 Tanguy said : #6
sunday 05 january 2014 à 15:54 J said : #7
monday 06 january 2014 à 13:18 rozlav said : #8
monday 06 january 2014 à 18:38 Stef said : #9
saturday 23 may 2015 à 20:41 Louie said : #10